La conscience politique des anciens Egyptiens

Jeudi 26 Novembre 2020-00:00:00
' Magdi Chaker

La prise de conscience est la perception et la maturité politique de la présidence. Beaucoup de gens font erreur en croyant que les anciens Egyptiens n'avaient pas de conscience politique, qu’ils étaient gouvernés par la sainte règle seulement et que le roi faisait ce qu'il voulait et ce qui lui semblait bon quand il voulait, si bien que beaucoup, quand ils voient les pyramides, par exemple, disent qu’elles ont été construites par un travail forcé et ne se rendent pas compte que ce genre de travail ne peut pas produire un tel ouvrage de génie. Comment aurait-il été possible de convaincre cent mille travailleurs de travailler pendant vingt ans s'il n’y avait pas de conscience et une conviction de l'importance de ce projet national ?

La société égyptienne était composée de trois classes, si la personne disposait de toutes les capacités et compétences pour occuper le poste le plus élevé de sa classe, cela lui était accordé, dans le cadre de ce qui était connu comme étant la « mobilité sociale ». Cependant, la pensée religieuse avait un rôle important dans la conscience politique parce que les dieux accordaient la vie à tous les êtres humains et leur civilisation était fondée sur la base du « Maat », c’est-à-dire le droit, l'égalité et la justice. Toute perturbation de ce système provoquerait le déséquilibre de l'univers et le roi était alors tenu de protéger, de réaliser et de sauvegarder ce système.

Les Egyptiens ont été les premiers à mettre en place l'Etat central, les premiers à avoir créé un gouvernement et les premiers à s’être révoltés contre lui. Leur conscience politique était un modèle à toutes les époques, même leurs révolutions modernes étaient le résultat naturel de la prise de conscience résultant du cumul politique et d'une expérience considérable dans le traitement de la gouvernance. Ils faisaient facilement la distinction entre la bonne et la mauvaise gouvernance. Leur expression de rejet et de protestation variait entre caricatures et blagues.

La connaissance des droits et des devoirs était un facteur important dans la formation de la conscience politique de l’ancien peuple égyptien en connaissant les obligations et appelant aux droits. Les coutumes et les traditions étaient une sorte de loi qu’il fallait respecter. Ceci a contribué à la formation de la conscience politique. Le sage Ptah Hotep a dit à cet égard : « Si vous êtes un dirigeant responsable insistez à vous prêter au plaignant ».

La relation des gens avec le pouvoir en place n'était pas basée sur l’obéissance aveugle au roi en tant que fils du dieu ou le dieu lui-même, c’était une relation basée sur le respect mutuel et la demande de justice sous toutes ses formes, en particulier la justice sociale, où tout le monde est égal parce que tout le monde l’est devant le Créateur.

Aussi la foi religieuse a joué un rôle important dans la vie du peuple et a contribué à la formation de la conscience politique. Le peuple a appris dans les textes sacrés que les dieux ont créé les cieux et la terre pour que les gens y vivent ensemble.

Le roi gouvernait par un mandat divin et était un médiateur entre les êtres humains et les dieux. Il était illustré en train de creuser des canaux, ériger des ponts et distribuer la récolte au peuple. Il était en grand contact avec son peuple. Il apparaissait dans les fêtes et les célébrations et écoutait les plaignants. Il prenait soin de leurs affaires et punissait son personnel s’il faillissaità ses devoir envers eux. Cela était un droit acquis du peuple. Si le pharaonn’accomplissait pas ces tâches, le peuple condamnait son action et se révoltait. Nous pouvons voir cela à la fin de l’ancien empire quand les Egyptiens ont lancé une révolution globale pour que le roi dieu « descende de la perche » et permette sa critique. La gouvernance a ensuite subi une modification et la légitimité des dirigeants fut fondée sur le service du peuple, l'amélioration de ses conditions et la mise en œuvre de projets économiques gigantesques, comme la construction des barrages et le creusement des canaux. On peut voir tout cela dans l'Etat central. Les neuf plaintes de l'agriculteur éloquent montrent la conscience politique de cette classe de paysans. Puis vint la deuxième époque intermédiaire où les dirigeants tiraient leur légitimité de l'expulsion des occupants Hyksos de l'Egypte.

Un grand nombre de personnes se sont alors jointes à l'armée et les rois ont commencé à promulguer des décrets, comme les lois de Horemheb. La propagande politique des rois a commencé pour accéder au trône, et ils l’ont prise comme stratagème afin de prendre le pouvoir. Vint ensuite l'Etat moderne, la suite des conquêtes et la formation de l'empire. Beaucoup de prisonniers étrangers qui ont servi dans l'armée égyptienne ont obtenu des positions privilégiées au sein de l'administration égyptienne et leur présence dans le système politique est devenue un fardeau pour l'État provoquant la haine du peuple contre leur présence. Le peuple a exprimé son rejet de cette situation dans certaines scènes d'animaux, une forme de critique camouflée. Nous arrivons à la révolution des travailleurs de Deir el-Médina. Les travailleurs supervisaient la construction des tombes royales et comme résultat du retard des salaires une grande révolution a été déclenchée, conduisant au vol des tombes. La conscience politique s’est maintenue en dépit de l’occupation de l’Egypte par de nombreux peuples jusqu'à la période gréco-romaine où l’empereur romain considérait que l'Egypte lui appartenait directement, mais la conscience politique a poussé les dirigeants Romains à réfléchir mille fois avant de prendre une décision qui mènerait à leur chute.